Article publié en une ici le 7 mars 2018.
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En ce qui me concerne, je me suis efforcé de ne plus couper la parole aux femmes, après en avoir pris conscience en 2016 lors de la campagne de Hillary contre Trump. Cette semaine, je participe à une action de sensibilisation dans mon travail, au Parlement européen, pour demander que les députés prennent des mesures effectives contre le harcèlement sexuel.
Mais encore ?
Ma génération « découvre », depuis que nous arrivons sur le marché du travail, des injustices profondément ancrées et acceptées dans nos sociétés dites progressistes. Nous nous réjouissons en France que l’Assemblée Nationale ait enfin atteint le taux de représentation des femmes du Parlement européen, soit 38%, mais nous sommes encore loin de la Suède. Certains s’insurgent contre notre ministre du Travail qui s’acharne à réduire l’écart salarial pour un même travail : mais la France reste dernière de l’Europe occidentale dans la perception des inégalités salariales entre les sexes. Les femmes seraient ainsi devenues « ennuyantes » car elles osent demander l’égalité.
Ce combat a beau être parfaitement juste, il est loin d’être acquis. Après les révélations #MeToo une dizaine de mes amies m’ont confié avoir été victimes de violences conjugales. En dénonçant le harcèlement sexuel des femmes me voilà qui découvrais mes propres amies agressées dans le plus grand silence. Ce silence qui « tue » une femme tous les trois jours en France, dit avec raison la Fédération Solidarité Femmes qui gère le numéro d’écoute 3919.
Je suis malheureusement trop souvent le seul à hausser le ton, par exemple pour réprimander des jeunes qui harcelaient une touriste dans le tramway. Seul à risquer de me prendre un coup de poing à la sortie d’un cinéma pour faire la leçon à un homme qui sifflait et parlait à des passantes comme l’on parlerait à un bout de viande.
Il est absurde de devoir le souligner, mais vue la teneur des débats il est essentiel de le rappeler : les hommes sont les premiers responsables de l’injustice faite aux femmes. La plupart s’autocensurent quand il faut postuler ou quand on les interrompt, feignent d’ignorer les agressions verbales, tolèrent les avances déplacées de leurs supérieurs au travail et se taisent lorsqu’elles sont battues. La faute à qui ? D’abord à nous les hommes.
Les hommes ont tout intérêt à se retrousser les manches pour aider ces femmes qui les épaulent dans leur quotidien.
Ma femme cuisine, moi je fais le ménage. Pour notre carrière, le compromis s’opère dans les deux sens. Pour le congé parental, le partage est le maître mot. Mes collègues femmes sont mes patronnes : j’ai eu l’honneur de travailler pour une député européenne allemande, Franziska Brantner, qui à 32 ans était la personne la plus travailleuse que j’aie vue. Le député européen français le plus performant était une femme, Sylvie Goulard, avant son départ du Parlement. Comme les femmes semblent se sous-estimer presque systématiquement par rapport aux hommes, nous devons soutenir ces femmes qui font l’erreur d’être humbles lorsque bien des hommes n’hésitent pas à se surévaluer pour décrocher un emploi ou une promotion.
Nous venons de très loin. Je n’oublierai jamais ma sidération quand j’appris à l’école que les françaises furent autorisées à voter en 1944, trente ans après la Norvège ou le Danemark, vingt-cinq ans après l’Albanie ou l’Afghanistan. La révolution française n’avait pas pour mot d’ordre l’égalité homme-femme, ni sa Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Ma grand-mère devait recevoir l’autorisation de son mari, le « chef de famille », pour ouvrir un compte bancaire ou laisser sa fille partir en voyage scolaire dans les années soixante.
Non, les femmes qui réclament l’égalité ne sont pas « ennuyantes ». Les hommes ont ils le droit de dicter la tenue des femmes, de la jupe au jean, du pantalon au voile ? Respect à toutes ces femmes qui se battent, à leur courage d’affronter cette société patriarcale dans laquelle elles sont nées femmes.
Les Français doivent être fiers du parcours qu’ils ont fait – mais nous restons loin du podium de l’égalité des sexes, précisément à la onzième place en 2017 – comment se reposer sur nos lauriers puisque ceux-ci sont la propriété des Islandais, des Norvégiens et des Finlandais. La semaine dernière encore, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a dû consacrer l’ensemble de son discours au Parlement européen à la lutte contre la violence et les discriminations envers les femmes en Europe, un rappel de premier ordre à nos députés dont les lois européennes sur l’égalité ne sont pas suffisamment appliquées.
Chez nous comme au travail, prenons nos responsabilités, nous les hommes.
Schams El Ghoneimi