Le 27 novembre 2018, je présentais un cours magistral « Syria 2011-2018 : From Revolution to Conflict ». Bien entendu, cela a un lien direct avec l’Europe.
J’ai raconté la révolution syrienne aux étudiants de Maastricht University College. Les espoirs de ces millions de gens qui voulaient un avenir meilleur. Qui s’étaient résolus à manifester pour la liberté, la dignité humaine, des élections libres. Envers et contre tout – un régime totalitaire, des bombardements incessants, l’intervention iranienne et russe, les camps, les sièges…- envers et contre tout, ces hommes et ces femmes, de toutes opinions, religions et origines, ont rejeté leur destin et résisté pendant une, deux, trois longues années.
J’ai eu le privilège de voir la révolution syrienne vivre et s’étendre semaine après semaine en 2011-2013, car je devais coordonner le plaidoyer des ONG sur la protection des civils dans cette région. Mais j’ai aussi eu le malheur d’écouter, de voir et de travailler sur les témoins directs d’une répression barbare.
J’ai découvert des femmes et des hommes aussi courageux, aussi forts que ceux de mes livres d’histoire ou des récits de guerre de mes grands-parents. Une partie de l’horreur qui marqua si profondément l’Europe s’est répétée à nos portes, à 4h30 de vol de Bruxelles.
A MUC les étudiants sont en majorité non-néerlandais, ils bénéficient de leurs droits et libertés en tant que citoyens européens. Ils discutent de ce qu’ils veulent, votent aux élections locales et même, fait unique au monde, à des élections supranationales en mai 2019 – les élections européennes. Aucun, appart les quelques étudiants réfugiés, n’est assez âgé pour avoir connu la dictature, la répression, la guerre et l’exile.
Et c’est tant mieux ainsi.
Ce mardi nous n’avons pas parlé des sanctions des 28 de l’Union européenne sur le régime syrien. Je n’ai pas non plus parlé de l’aide humanitaire de l’UE dans la région – de loin la plus importante. Ni de la contribution, compliquée, des 28 à l’accueil d’un septième des réfugiés syriens.
Nous avons parlé de ces espoirs, de ces danses et de ces chants, de ses caricatures, de cette audace incroyable qui a fait vibrer la Syrie et le monde arabe tout entier.
N’oublions pas les origines du « conflit » syrien, la noblesse de sa révolution piétinée en 2011-2013. Pensons aux conséquences humaines et économiques terribles de l’inaction internationale.
Quand nous pensons à nos droits et libertés fondamentales en Europe, pensons à la Syrie. Quand nous hésitons à voter et à faire voter, pensons à la Syrie. Quand nous baissons les bras devant tel ou tel obstacle, pensons à ces héroïnes et héros contemporains.
Rive Sud, rive Nord, nos destins sont liés. Notre histoire est commune. Nos aspirations sont semblables. Ne nous ignorons pas.
Merci à MUC et à Professor Roberta Haar pour cette troisième invitation à donner cours à Maastricht.