Jamais les élections européennes n’ont été aussi importantes pour l’avenir de notre continent. Pourtant, la France s’y est à peine préparée.

La plupart des partis continuent de voir le Parlement européen comme une voie de garage. Beaucoup considèrent les listes sous l’angle de la pure négociation politique franco-française, plutôt qu’une opportunité en or de réaffirmer notre influence en Europe.

J’en ai vu les conséquences en travaillant dans les coulisses pour des députés européens français, allemands puis britanniques. Des 41 eurodéputés les plus influents on ne compte aucun français, selon une organisation qui fait référence à Bruxelles (Votewatch). Quelle image pour la France, l’État où siège le Parlement européen.

Nos représentants ont 10% des sièges du Parlement européen, mais n’obtiennent que 2 à 4% des rapports, selon les mois.

Les Français que je suis allé écouter dans 35 départements sont en colère. Comment combattre l’euroscepticisme en France si nos élus n’ont pas de poids à Strasbourg ? 

La faute à l’extrême-droite, qui occupe un tiers des sièges français depuis 2014 ? La critique est trop aisée, l’influence secondaire des eurodéputés français était déjà dénoncée dans le rapport de la Fondation Robert Schuman en 2008.

Un niveau d’anglais trop faible, très peu de germanophones malgré le rôle clef des Allemands, une méconnaissance du fonctionnement de l’Union européenne : trop d’eurodéputés français sont dépassés voir absents du travail parlementaire. Leurs voisins sont, plus souvent qu’on ne l’imagine, bilingues ou trilingues, travailleurs et fins connaisseurs. 

Pourquoi renforcer notre présence ?

Parce que ce parlement est puissant. Il légifère pour 500 millions de personnes sur le climat, la finance, internet, il pèse sur les débats démocratiques et impose sa légitimité européenne aux plus grands. Mark Zuckerberg lui-même a dû venir s’expliquer cet été, alors qu’il avait ignoré l’invitation des parlements français, allemands et britanniques.

Non seulement les députés européens élisent le Président de la Commission européenne mais ils contrôlent et peuvent renvoyer les commissaires européens.

Les 400 lois adoptées par mandat s’imposent aux lobbies : la RGPD pour protéger notre vie privée, REACH pour interdire 1000 produits chimiques, Erasmus pour faire voyager 7 millions d’étudiants, SWIFT pour empêcher nos États d’abandonner nos données bancaires aux Américains, tout cela grâce au travail des élus européens.

Le progrès, c’est maintenant

« On n’a jamais vu nos députés européens, qui sont-ils ? »

« On se sent abandonnés »

Voilà des critiques souvent exprimées dans les 80 débats publics effectués depuis ma démission du Parlement européen, de l’Aisne à l’Ardèche.

A Chauffailles en Saône-et-Loire, on aimerait comprendre pourquoi 7 500 dossiers d’aides européennes ont des années de retard. Or la faute de ce délais des fonds ruraux « LEADER » provient d’un bug informatique de l’administration française de 2014-2016 : pourquoi nos eurodéputés ne se sont-ils pas mobilisés ? Les maires présents à nos débats auraient bien apprécié.

Des financements accordés pour construire le Grand Paris, en passant par l’aide aux quartiers défavorisés ou la lutte contre la précarité énergétique, c’est au Parlement européen aussi que l’on peut changer notre monde. La France est riche d’un vivier de femmes et d’hommes compétents, qui veulent redonner confiance en l’Europe, dans nos territoires. Ils veulent s’investir chaque semaine dans nos médias nationaux pour européaniser nos débats trop souvent hexagonaux, tout en remportant des victoires à travers de vraies négociations à Bruxelles et Strasbourg. 

L’effacement de la France n’y est pas une fatalité. Beaucoup croient à la promesse de révolution du Président Emmanuel Macron. Pour que les politiques européennes servent nos citoyens, notre agriculture, notre industrie et nos services dans une Europe forte, il nous faut des élus qualifiés.

La renaissance européenne dépendra des candidats que nous éliront.

Schams El Ghoneimi

@SchamsEU