J’ai eu le plaisir d’être invité à Thonon-les-Bains, dans le Chablais en Haute Savoie, pour échanger vendredi 19 octobre sur les enjeux des européennes.
Climat, internet, congés parentales, protection de notre agriculture ou encore développement de nos régions: le Parlement européen vote, amende, rejette, propose, surveille et même sanctionne le cas échéant, encore faut-il que les citoyens européens le sachent. Cela concerne 95% des lois européennes, environ 400 par mandat!
Les médias auraient-ils oublié de vous en parler?
Ce mois-ci par exemple, saviez-vous que le Parlement européen a décidé de moderniser la coopération judiciaire -entre juges- pour lutter efficacement contre la criminalité transfrontalière – avec l’agence EUROJUST? Saviez-vous aussi que le plus grand groupe d’élus de France au Parlement européen s’y est opposé? Le FN & Co demandent en effet plus de sécurité, mais sans coopération… Heureusement, une majorité européenne s’est dessinée sans eux. Une fois que les eurodéputés et nos gouvernements (les 28) auront accordé leur violons, la Commission s’exécutera. Elle ne décide pas, contrairement à ce que certains politiques répètent.
L’Europe est en réalité locale, notamment à Thonon-les-Bains. Le grand projet de construction du train régional reliant 45 gares du grand Genève avec sa région française est financé par l’UE. Il répond aux lignes directrices votées par nos députés européens : développer le ferroviaire, le transport durable, désenclaver les villes isolées (programme INTERREG IV, en jargon communautaire). Ça aussi, le premier groupe d’élus de France s’y est opposé.
Le lac Léman par exemple, au bord duquel nous nous sommes réunis, est soumis à de nombreuses lois européennes pour lutter contre la pollution, promouvoir la biodiversité marine, harmoniser le droit fluvial…
Quid d’une politique européenne adaptées aux régions montagneuses?
En octobre 2016 le Parlement européen a justement demandé une stratégie spécifique pour l’accès à internet, la protection de l’environnement et des glaciers, mais aussi le soutien aux PME et au tourisme durable. Un tiers des représentants français s’y sont opposés -vous l’avez compris, le FN & Co- mais même leurs copains d’extrême-droite italiens et autrichiens n’ont pas osé voter contre de si bonnes idées.
Qui, pourtant, a déjà contacté son député européen?
Loïc était le seul dans la salle à l’avoir déjà fait, pour demander aux députés européens en septembre 2008 de protéger les internautes contre les dérives liberticides de la loi française sur la propriété intellectuelle (Hadopi). Il suffit d’appeler ou d’écrire. Victoire: l’accès à internet fût proclamé droit fondamental, grâce au fameux amendement 138 du paquet Télécom, déposé par Dany Cohn-Bendit. Résultat: la France dut revoir sa copie, couper internet en cas de téléchargement illégal ne pouvait plus être ordonné sans l’intervention d’un magistrat.
Et les lobbies?
Justement, ils sont bien plus contrôlés qu’en France qui vient à peine de créer un registre qui n’impose rien aux groupes d’intérêts. A Bruxelles, chaque groupe d’intérêt doit s’enregistrer et déclarer les employés qu’il mobilise sur les institutions européennes, en précisant s’ils viennent sporadiquement, y travaillent à temps partiel ou à temps plein. Impossible à Paris de retrouver combien de lobbyistes rencontrent nos élus ou nos fonctionnaires et avec quel budget – ces informations sont optionnelles, même après la loi sur la transparence de la vie publique. Bruxelles a bénéficié des modèles scandinaves, germaniques et anglo-saxons, dont les publics ont un niveau de tolérance à la corruption infiniment plus bas qu’en France.
Par ailleurs, que sont les lobbies? Lorsque je travaillais pour une coalition d’ONG pour la protection des civils en Syrie, je faisais du plaidoyer – c’est à dire du lobby- en ce sens. Les députés européens doivent rencontrer tout le monde, défenseurs des droits des consommateurs et représentants de l’industrie, pour légiférer en connaissance de cause. Interdire le mercure était une bonne idée, mais oublier des dérogations aurait été catastrophique pour la recherche. Evidemment lorsqu’un député comme Cahuzac prend ensuite des millions d’euros dans un compte à Singapour pour servir l’industrie pharmaceutique il y a de quoi s’inquiéter. Mais lorsque l’on écoute tout le monde, sans pots de vin, on travaille.
Où sont nos députés européens?
Entre Strasbourg et Bruxelles et leur circonscription il est difficile d’être partout à la fois, mais il y a aussi d’autres raisons à cette absence: notre premier groupe (FN & Co) ne travaille pas, et la France envoie des dizaines de bras cassés qui font pitié à nos voisins. Personnellement, après avoir travaillé pour des eurodéputés de quatre pays je trouve que même les britanniques sont en moyenne plus engagés dans leur travail. L’écrasante majorité des députés du FN n’ont même pas ouvert de permanence locale (21 sur 24) alors que les frais de secrétariat qu’ils reçoivent sont conçus principalement à cette fin.
Et pourtant, il n’y a qu’à voir le travail de la Vice Présidente du Parlement européen l’eurodéputée française Sylvie Guillaume (PS), les montagnes soulevées par l’ex eurodéputée Sylvie Goulard (Modem) sur la réforme de la finance, les travaux de la Présidente de la Commission Transports, Karima Delli (EELV) sur le scandal du #DieselGate, les interventions en Commission des affaires étrangères sur la Tunisie de Marie-Christine Vergiat (FDG) ou le travail d’Arnaud Danjean en matière de sécurité-défense (LR) pour se rendre compte du potentiel français.
Comme les Thononais, mobilisons nous bien avant le 26 mai
Céline et Patrice sont allés dans les quartiers défavorisés de Thonon espérant intéresser quelques personnes à la politique: tout le monde est venu. Les personnes présentes ont soulignés que personne ne venait les voir mais qu’elles étaient toutes inscrites sur les listes. Sortons des grandes villes et de nos zones de confort, le public s’intéresse vraiment à l’Europe – si nous y croyons nous-mêmes.
Merci au comité d’En Marche Chablais et En Marche Haute Savoie pour leur invitation et leur accueil chaleureux, comme lors de notre précédent échange à Annemasse le 19 avril dernier sur la citoyenneté européenne.
Félicitations à Guy Michoud qui a remporté le livre Scotland in Europe d’Alyn Smith, que nous avons utilisé lors de nos 45 conférences en 2016 pendant la campagne contre le Brexit. Il m’a offert son livre en échange, la République outragée, que j’ai commencé avec plaisir dans le train du retour.
Prochaine destination: Dijon mercredi 24 octobre pour discuter des négociations impossibles du Brexit avec #EUsuperGirl. Pour s’inscrire, c’est ici.
L’affiche: