Article publié ici en une le 14 février 2018.

La Saint Valentin après la guerre, pour mon arrière-grand-mère alsacienne, ce n’était pas facile. Son amoureux était en prison, car allemand. Voici comment ils se retrouvèrent.

Quand je demandai à ma grand-mère de me raconter l’après-guerre, elle me parla de cette histoire d’amour incroyable que je souhaite partager aujourd’hui en ce jour de fête – l’histoire d’une française et d’un allemand qui s’aimaient en 1945.

Au lendemain de la capitulation de l’Allemagne, la mère de ma grand-mère Marie Joséphine Baas ne savait toujours pas où se trouvait son homme – un certain Wilhelm Friedrich Zirbus. Fuyant l’Allemagne nazie, cet allemand avait rejoint la légion étrangère en 1938 – et devint Guillaume Fréderic Zirbus de son nom francisé.

Manque de chance, lorsqu’il revint voir mon arrière-grand-mère à Strasbourg pour l’épouser en 1942, sa volonté d’acquérir la nationalité française mécontenta les autorités nazis qui le jetèrent en prison, pour trahison. Il resta des années en détention sans pouvoir écrire à sa femme, sans qu’elle puisse savoir où il se trouvait ou s’il était en vie. C’est donc une femme déterminée à retrouver son mari qui, en 1945, décida de le rechercher coute que coute, en se rendant à chaque commissariat de Strasbourg pour trouver trace de son Guillaume bien-aimé.

Or il fallait un courage immense pour oser rechercher son mari allemand en France libérée. A chaque fois que Marie, mon arrière-grand-mère, demandait des informations aux autorités françaises elle se faisait elle-même suspecter d’avoir collaboré avec l’occupant, puis interpeller et menacer. Elle échappa à la tondeuse et autres humiliations d’après guerre grâce au fait que son fils avait servit quinze ans dans l’armée française. Elle trouva le nom de son mari un an plus tard. Il n’avait pas été envoyé dans un camp ou au champ de bataille comme elle l’avait redouté, il se trouvait simplement à quelques lieux de Strasbourg, toujours en prison cependant…

Marie comprit alors que Guillaume était toujours détenu en 1946. A la fin de la guerre les détenus avaient été libérés, mais pas Guillaume – quand les forces françaises virent un allemand en prison, un « boch », ils le gardèrent en prison. Wilhelm ou Guillaume avait donc passé cinq ans en détention, pour les nazis parce qu’il voulait s’appeler Guillaume et pour les français parce qu’il s’appelait Wilhelm.

Guillaume et mon arrière-grand-mère Marie purent enfin célébrer leur amour en 1947, cinq ans de séparation plus tard.

Joyeuse Saint Valentin à toutes et à tous, vive l’Amour… et vive l’Europe.

Schams El Ghoneimi