J’étais invité par En Marche! le 26 février à Epernay dans le département de la Marne, au coeur de l’économie du vignoble champenois, pour expliquer et débattre du drame qu’est Brexit, avec le député Eric Girardin et Bertrand Trepo, producteur de champagne. Le froid glacial ne nous a pas arrêté.
J’ai enfin pu découvrir Reims, par lequel je suis passé pour me rendre à Epernay.
Je ne savais pas que la réconciliation entre la France et l’Allemagne avait été scellée au cours d’une messe solennelle dans la Cathédrale des Rois de France, par Adenauer et De Gaulle, à Reims le 8 juillet 1962. Bombardée par l’artillerie allemande en 14, elle avait été construite en 1211. Ce monument a vu les Anglais à ses portes, Jeanne d’Arc y conduit d’ailleurs Charles VII pour le sacrer Roi de France. Napoléon y chassa les troupes du tsar en 1814. La ville fut rasée à 60% pendant la Grande Guerre, vidée totalement de sa population en 1918. Vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Eisenhower fit de Reims le QG des Alliés.
Mais rares sont les habitant(e)s qui peuvent encore se souvenir de la guerre. Que les gens prennent la paix pour une évidence, cela ne me surprend pas après 73 ans de reconstruction, d’épanouissement et de crises d’une toute autre échelle. L’Europe d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de 1945, grâce au miracle de la construction européenne.
Pourtant, de crispations en blocages, les européens sont arrivés à un niveau de désunion inquiétant pour notre avenir. La déconstruction européenne pointe à l’horizon. Cette menace s’est concrétisée outre-Manche : le Brexit, le triomphe du nationalisme europhobe et autodestructeur, n’est pas une crise parmi d’autres dans la construction européenne mais bien le début, partiel certes, de sa déconstruction. Les premières conséquences se font ressentir, par exemple, dans la baisse marquée des exportations vers le Royaume Uni pour le vignoble champenois. Un détail pour certains, une perte réelle pour ces producteurs locaux.
Au regard de l’histoire de la région, ce n’est pas que le vignoble champenois qui devrait s’inquiéter. Tout le monde est concerné par l’affaiblissement du projet européen. La mendiante qui attendait dans un froid glacial devant la cathédrale a fui la Tchétchénie il y a quinze ans. Elle m’a parlé des horreurs de la guerre qu’elle a connue. Aujourd’hui, des centaines de milliers d’Ukrainiens se réfugient en Pologne, un million de Syriens en Allemagne. La guerre n’est pas si loin qu’on le croit, notre défense européenne n’a jamais été aussi menacée. Une étudiante camerounaise résidant à Reims a eu la gentillesse de me présenter la ville ce matin : elle aussi est concernée par Brexit, pour quantité de raisons dont nous avons parlé.
Brexit n’est pas un accident de parcours, c’est un accident grave de la construction européenne.