Article publié en une ici le 14 avril 2018.

Si Mélenchon et Le Pen souhaitent parler au nom des peuples, qu’ils regardent le Moyen Orient au-delà de Poutine, qu’ils ressentent la même colère que ces classes populaires qui se sont battues pour la liberté en Syrie. Un recadrage s’impose.

J’ai travaillé et milité pour la protection des civils en Syrie pour des ONG, de la révolution de 2011 à la répression qui s’ensuivit. J’approuve la décision d’Emmanuel Macron de neutraliser la capacité d’Assad à gazer des femmes et des hommes. Malgré l’abondance des preuves, et ce depuis des années, les leaders de France Insoumise et du Front National osent encore nier les horreurs du régime syrien.

Bienvenue dans la France d’Assad.

Imaginez que le Président Macron soit au pouvoir depuis l’an 2000 « élu » à 99,7% à la mort de son père Jean-Michel Macron qui, lui, dirigeait la France depuis 1971.

Imaginez à présent que, encouragés par des soulèvements populaires en Angleterre, en Allemagne, au Portugal et en Espagne contre des régimes autoritaires, nos quartiers populaires décident de manifester pacifiquement dans la rue pour demander « liberté », « dignité » et « justice » à la suite de la torture, par les services de renseignements français, de quinze mineurs à Toulouse pour avoir écrit « Macron dégage » sur un mur.

Macron refuse de parler aux manifestants et ordonne à l’armée française de tirer à balles réelles.Le massacre commence : 1500 morts* à Toulouse s’ensuivent en quelques mois, bien d’autres dans le reste du pays. Rapidement les mouvements autonomistes de Corse, de Bretagne, du pays Basque et de Savoie manifestent eux-aussi contre la dictature. Débordées, les autorités vident les prisons de tous les extrémistes pour les remplir de jeunes manifestants de toutes les confessions. Les photos des cadavres torturés de 160 000 Français chrétiens, juifs et musulmans, jeunes et vieillards sont révélées par un médecin légiste qui déserte la France en 2013, après avoir travaillé à la prison de Fleury-Mérogis en banlieue parisienne.

Ainsi Julien, 20 ans, est arrêté après avoir scandé « Liberté ! » à la sortie d’une Église le dimanche, puis torturé comme un demi-million de français vu son opposition à Macron. Julien a néanmoins de la chance : comme son cousin travaille dans la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, il est relâché quatre mois plus tard – après avoir signé une déclaration comme quoi il cherchait à mener des actions terroristes.

A son retour chez lui, Julien s’enquiert fébrilement des dernières nouvelles sur son ordinateur via un VPN, un réseau sécurisé que tous les Français doivent utiliser pour accéder à l’information libre. Il découvre avec stupeur qu’en quelques mois Macron a ordonné des bombardements causant la mort de centaines de citoyens à l’Est de la capitale à Montreuil, Torcy, Créteil mais aussi à quelques kilomètres de l’Élysée à Pantin, Puteaux et Saint-Denis. Le Nord de la France est en révolte, toute la Bretagne sauf Saint-Malo et Rennes, car les classes supérieures hésitent à protester.

Par ailleurs de nombreux officiers sont exécutés sommairement, faute d’avoir obéi aux ordres – tirer sur les manifestants. Des déserteurs prennent le maquis, abrités en secret par la population, l’opposition commence à s’armer. Certains décident de partir en Italie ou en Belgique, dont les Présidents appellent Macron à négocier un partage du pouvoir avec ce mouvement populaire sans précédent.

Imaginez à présent que 2500 jours plus tard Macron soit toujours au pouvoir.

Détruite, la France est mise au ban des nations mais seul ses alliés russes et iraniens sont intervenus militairement, l’armée française a donc tenu bon contre la résistance populaire qui n’a ni avion ni hélicoptère et qui se meurt petit à petit, malgré quelques promesses d’assistances étrangères.

Les Français ont tout vu : la plus grande partie des missiles SCUD français a permis de raser entièrement les quartiers Nord de Marseille, mettant fin à un an de manifestations populaires, aux chants et aux danses révolutionnaires ainsi qu’aux élections de quartier. Le silence règne et la Chine reconstruit le quartier à zéro, suite à un juteux contrat signé par un richissime cousin de Macron détenteur de la majorité des entreprises du CAC40.

Cependant, la résistance des banlieues populaires de Paris gène beaucoup l’Élysée. Le 21 aout 2013, Macron ordonne de gazer 4500 personnes à Montreuil, dont 1500 enfants. Largement médiatisées, ces attaques suscitent l’émoi de la communauté internationale mais Macron est bien conseillé et la France ratifie enfin la Convention internationale d’interdiction des armes chimiques en décembre 2013 : aucune sanction militaire.

Les crimes d'Assad révélés au Parlement européen, juillet 2015, exposition du rapport César © Schams El GhoneimiLes crimes d’Assad révélés au Parlement européen, juillet 2015, exposition du rapport César © Schams El Ghoneimi

Les armes chimiques, idéales contre les quartiers populaires.

Macron apprécie les armes chimiques, il continue ainsi à en faire usage car elles allègent le travail des forces de l’ordre. Le gaz est idéal : il tue tout le monde, sans démolir les infrastructures, à moindre coût et sans laisser de traces si ce n’est dans les cadavres, tout en démoralisant la résistance.

Pendant ce temps, l’allié russe oppose son veto douze fois aux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies condamnant Macron et parle de « solution politique » tout en bombardant chacun des hôpitaux de Médecins Sans Frontières. Impatient de se réaffirmer sur la scène internationale coûte que coûte, Poutine n’a que faire d’avoir seulement 11 États sur 193 qui soutiennent la répression en France, selon les votes de l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Contre les journalistes et les réseaux sociaux, les amis de Russia Today et Sputniknews sont financés en continue. Officiellement, Macron défend bec et ongles qu’il n’y a jamais eu de révolution, qu’il est le dernier rempart contre la barbarie des extrémistes catholiques de Daesh qu’il a pourtant lui-même libéré, de facto protégé et développé depuis des années. Brouiller les messages politiques lui fait gagner du temps, notamment grâce aux puissants relais qu’il détient à l’étranger dans la fachosphêre d’extrême droite mais aussi d’extrême gauche.

Un million et demi de Français sont morts pour que Macron reste à l’Elysée.

Où en sommes-nous en 2018 ? Plus de 36 millions de citoyens ont perdu leur logement, 15 millions ont quitté la France pour se réfugier dans des camps en Suisse ou en Italie. Trois millions de citoyens, souvent les plus éduqués, ont traversé la mer pour l’Irlande ou la Scandinavie.

Plus grave encore, Macron a cherché par tous les moyens à diviser l’opposition en libérant tous les extrémistes des prisons en 2011, en les laissant délibérément s’implanter dans la « diagonale du vide », sans les bombarder ni les déloger, afin qu’ils exterminent l’opposition modérée et multiconfessionnelle. Macron apparaissant ainsi comme un « mal nécessaire » aux opinions publiques non-averties, sa stratégie de communication a réussi à semer la discorde dans l’opinion publique internationale.

Cette semaine l’armée de l’air a gazé 210 jeunes à Aulnay-sous-Bois.

Une semaine normale en France. C’est le dernier bastion rebelle, mis appart Toulouse et la Corse – qui est à présent autonome, mais en guerre contre l’Italie. Aujourd’hui pour la première fois, l’Irlande et les pays Scandinaves décidèrent de bombarder directement les dépôts d’armes chimiques du Président Macron. Bien des Français approuvent ce geste, si minuscule soit-il, en espérant qu’un jour le dictateur soit jugé pour crimes contre l’humanité.

Schams El Ghoneimi 

@SchamsEU

Conseiller au Parlement européen, ex analyste politique au Moyen Orient, Schams a enseigné à l’Université de Maastricht (« Syria, from revolution to conflict ») ainsi qu’à Sciences Po, sur le droit international humanitaire en Syrie.

*Les chiffres des victimes ont été multipliés par trois pour respecter l’ordre de grandeur entre la population de la Syrie (23 millions) et celle de la France (67 millions)